Le courant unitarien est né au XVI° siècle et a été la "benjamine" des Réformes protestantes. Il se caractérise par une approche libérale, non dogmatique, du christianisme en particulier et des religions en général. Les unitariens sont près d'un million dans le monde entier. En pays francophones (en Europe occidentale : la France et ses oays d'Outre-Mer, la Wallonie, la communauté francophone de Bruxelles, la Suisse romane, Monaco et Andorre ; au Canada : le Québec ; et en Afrique noire), il s'e
Quand je dis « Notre Père », qu’est-ce que je veux dire ? Yves Guillon, ancien prêtre, nous fait part ici de sa réflexion.
Je me situe dans la conscience d’ appartenir à une famille. C’est à partir de cette situation de frère de l’Humanité toute entière que je m’adresse à Dieu, son Père. En qualité de frère, je me tourne vers Dieu : ma prière est donc plurielle. Et je peux la penser avec précision avec, ou pour, ou au nom de l’ Humanité qui aime, sert, bâtit, se réjouit, pleure, souffre, détruit, pèche, naît, engendre et meurt…
Je pense que si Jésus nous a invité à prier comme cela, c’est qu’il nous incitait à prier comme il le ferait à notre place, mais selon et à la manière dont lui-même a vécu, se faisant frère de cette Humanité dans laquelle il s’était incéré. On a un symbole de cette prière des frères quand à la messe le prêtre invite les enfants à venir avec lui à l’ autel se tenir par la main pour prier le « Notre Père ».
Avant de dire la prière de frère, on aurait peut-être intérêt à se formuler intérieurement ce que contient de fraternité l’invocation que je vais exprimer : ce que j’en vis, ce que j’en partage, ce que j’en souffre, ce que j’en espère ... Essayer de voir concrètement comment, « chrétien », frère en Jésus Christ, on vit notre fraternité d’homme.
C’ est pourquoi il n’est pas bon de se lancer dans la récitation sans un retour en soi par une prise de conscience de la « charge » que peut contenir ce moment de prière de frère. Malheureusement, la plupart du temps, quand on prie en groupe, la récitation est lancée à toute allure… Cette expression de notre amour de Dieu et des frères, cet acte d’ amour ne peut pas se vivre à la va vite.
Quand je dis « Notre Père qui es aux cieux », qu’est-ce que je pense ? Je suis gêné, car je ne peux pas me figurer Dieu localisé., dans ma façon de penser il serait alors matérialisé, situé dans un lieu physique. Je suis mal à l’aise avec cette expression, alors je me la traduis en recourant à l’image que je me fais de l’Etre de Dieu : cette paternité éternelle et universelle dans laquelle il m’a élu avec tous mes frères humains. Je m’ identifie comme étant membre de la totalité de l’Humanité de tous les temps et de toujours, unie dans l’amour paternel de Dieu. C’est ce Dieu là que je prie : celui qui nous donne d’être en communion avec lui comme fils et frère, pour l’éternité, dans son éternité. C’est cela pour moi « les cieux » : cette vie éternelle de Dieu.
Quand je dis « Que ton nom soit sanctifié » : je me tourne d’abord vers Lui. J’exprime le vœu qu’il soit reconnu de tous et célébré et fêté. Dans nos relations nous vivons comme s’il n’existait pas : nous ne pensons plus à lui, nous n’en parlons plus. Quelquefois on entend dire, devant les catastrophes naturelles, « mais que fait Dieu ? »… A ce moment là on réclame sa présence alors que quotidiennement on l’ignore. Quand je dis « que ton nom soit sanctifié », j’ exprime mon désir de le voir « présent » à la conscience de notre Humanité.
Et dans la foulée de ce souhait s’enchaîne « Que ton Règne vienne » : honorant le seul et unique commandement de l’aimer et d’aimer notre prochain comme nous-mêmes. Se rappelant que ce que l’on fait au plus petit d’entre les siens, c’est à Lui qu’on le fait. C’est rendre son Amour présent au monde ; c’est pour moi sanctifier ce monde, reconnaissant ce monde comme indissociable de Lui. C’est alors que j’appelle dans ma prière la grâce qui viendrait faire de ce monde un monde d’ amour et de paix, saint. Et qu’ainsi sa « volonté soit faite sur la terre comme au ciel ».
Cette partie de ma prière contient mon engagement, elle ne peut rester un vœu pieux, elle sous-entend que je vive en aimant mes frères et l’univers concrètement selon la place qui j’y occupe et donc que je contribue activement à bâtir le monde selon le cœur de Dieu. « Y vivre Dieu ».
Dans la deuxième partie : l’ emploi du nous est toujours là. Je me fais pauvre dans la pauvreté de l’Humanité, j’en appelle à son Amour, source de vie.
« Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour » : bâtir un nouveau jour, une nouvelle époque, un nouveau siècle, un nouvel état de vie. Quand j’ y pense, c’est un immense programme pour lequel j’implore la grâce de Dieu, ces forces dont le monde a besoin pour vivre sa destinée selon le cœur de Dieu. L’ampleur de la tâche est telle que souvent on se prend à dire : « on est trop petit, on n’y peut rien » J’ en appelle à la grâce de Dieu : « Demandez et vous recevrez ». Il faut avoir l’ humilité de tendre la main pour recevoir. Au nom de mes frères , je demande à Dieu de rendre vivantes les potentialités présentes en l’ homme : intelligence, force, amour, créativité, espoir…nécessaires à la construction de ce jour. C’est peut être ce que l’ on appelait autrefois au catéchisme les « grâces actuelles ».
« Pardonne-nous nos offenses … » Je ne suis pas coupable des délinquances, guerres, terrorismes, destructions de la nature, corruptions, mais mes frères humains vivent ces comportements destructeurs de la vie. Bien sûr j’y joins mes fautes personnelles, et, là, je me sens plus proches d’eux. « Que celui qui n’ a pas péché lui jette la première pierre ». « Je reconnais devant mes frères ... » Oui je m’ insère dans cette Humanité car je crois au pardon de Dieu qui a envoyé son Fils pour que le monde soit sauvé. C’est une prière de « renaissance », d’espérance. Si Jésus est mort en croix et est ressuscité, je crois au renouveau du pardon de Dieu accordé « à tout homme venant en ce monde »
« Comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés ». En retour du pardon reçu, nous nous engageons là aussi à pardonner aux frères en Humanité. Là, Jésus nous invite à être acteur avec lui, comme lui dans la Charité du pardon. « Aimez vous comme je vous ai aimés ». Il m’ arrive de dire, voyant les atrocités commises par des hommes : « j’ ai mal à mon Humanité » …. C’est cette solidarité-là que j’évoque. En même temps je me sens participant des faiblesses de l’homme et de ses pauvretés ...
« Et ne nous soumets pas à la tentation, mais délivre-nous du mal » . J’ implore de Dieu la force de nous voir rompre avec ce qui trouve alliance avec le Mal. Que nous soyons convaincus d’être capables du Bien, de garder l’ Espérance que Dieu est avec nous dans ce combat. C’ est ce que le prêtre ne cesse de nous répéter au cours des offices : " Le Seigneur soit avec vous ! " Mais sommes-nous assez persuadés qu’Il est avec tout homme vivant en ce monde, qu’Il n’y renonce pas malgré nos égarements .
© Yves Guillon, 2010
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