prédication de la révérende Maria Pap, ministre du culte de l'Eglise unitarienne de Transylvanie et titulaire de la chaire de notre Eglise, l'Eglise unitarienne francophone (EUfr)
Je constate avec tristesse que, pris par la préparation pour Pâques, nous avons tendance à oublier le vendredi saint. Chaque année, ce jour là, je vois que nous avons le temps pour tout sauf pour célébrer et se souvenir. Même quand les cloches sonnent, même quand nous savons que c’est un jour liturgique, nous trouvons mille choses à faire au lieu d’aller à l’église. Je sais que le vendredi saint est un jour plutôt douloureux - on se souvient de la mort de Jésus et forcément de tous ceux qui nous ont été chers. Sans doute que nous ne voulons pas revivre la douleur, nous ne voulons pas nous souvenir du vide créé. Nous menons nos petites affaires comme s’il n y avait rien de particulier ; ce jour là notre pensée est déjà à Pâques !
Mais est ce possible ? Peut-on avoir Pâques sans le vendredi saint ? Non, on ne peut pas ! Pâques est enraciné dans le vendredi saint ; la lumière vient des ténèbres, la plénitude et l’unicité de la vie rayonnent dans la menace et l’ombre du mort. C’est pourquoi je vous invite en ce jour de Pâques, à retourner au vendredi saint, là où a commencé la rencontre de la fin et du début, là où, à la frontière d’ici et de l’au-delà, trois corps sont figés chacun sur une croix : Jésus et les deux malfaiteurs.
La tradition chrétienne [ndlr = postérieure aux évangiles synoptiques, Marc, Luc, Matthieu ; Jean ne relate pas de cette scène] a donné des noms à ces deux hommes : celui de gauche s’appelle Gestas, celui de droite est Dismas. D’après les évangiles, c’était des brigands, des tueurs [ndlr = en fait peut-être des zélotes, des résistants qui assassinaient des occupants romains et des juifs collaborateurs, et qui étaient considérés comme de simples brigands par les autorités] et leur sentence de mort était justifiée. Ils étaient crucifiés à côté de Jésus, qu’ils connaissaient à peine, puisque leur seule rencontre avait été sur la route vers le mont de Crâne. Tout ce qu’ils savaient était que Jésus est un prophète itinérant et que, pour une cause inconnue, il y avait une inscription au sommet de sa croix :”le roi des juifs”.
Voilà les trois croix et les trois condamnés. Il n’y a aucun différence entre eux : trois coupables, trois misérables, trois corps en agonie à le l’asphyxie, cause des douleurs, de la chaleur, des mouches, de l’indignité. Trois hommes, trois croix, mais un a l’inscription d’un roi.
Roi ? Quelle blague ! Gestas aimerait rire, mais tout est tragique et sérieux. Dans son désespoir, voyant la mort arriver, toute sa colère explose. Tant qu’il a encore le pouvoir, il hurle, il maudit, il se moque. Non pas ses exécuteurs, les soldats romains, de qui il n’espère pas la délivrance, mais il s’en prends à Jésus, tout près de lui, le “roi.” : s’il est roi, ou est son pouvoir ? Pourquoi, ne se sauve-t-il pas et pourquoi il ne les sauvent pas ? Gestas blasphème et se moque parce que l’inscription de la croix de Jésus lui montre tout ce qu’il désire plus profondément en ce moment tragique : l’espérance. L’espérance qu’il existe peut-être un pouvoir qui puisse défaire ses liens, un pouvoir au-dessus de la justice romaine, un pouvoir qui puisse le sauver de la mort. Mais tout ça est une illusion- et Gestas le sait parfaitement, c’est pour cela qu’il maudit, qu’il se moque. Sa vie va s’éteindre et il n’y a pas de pouvoir humain ou surhumain qui puisse l’aider.
A la droite de Jésus il y a Dismas. Ses douleurs sont aussi insupportables, son coeur est plein de désespoir, de découragement, mais il a quelque chose qui manque à Gestas : la repentance et la pitié. Dismas se repend ; il sait que sa punition est juste. Nous ne savons pas de quoi il était coupable ; s’il avait tué, volé, pillé ; mais maintenant, dans les dernières minutes, il réalise la grande misère de sa vie gâchée. Il sait que sa mort est la conséquence de ses actes et il a le courage de regarder cette mort en face. Il est un pêcheur converti, même si cette conversion arrive peu avant la mort.
Dismas fait même plus que cela parce que, en ce moment douloureux de l’introspection, quand il doit évaluer sa vie, il réussit à penser à un autre, à Jésus. Cet homme, qui a peut-être commis tant de méfaits sans aucun problème de conscience, a pitié pour quelqu’un qu’il considère innocent et qu’il essaye de protéger. De cette pitié, naissent dans le coeur de Dismas l’amour et l’espérance. Amour pour son compagnon de souffrance, quelqu’un qu’il connaît à peine. Il n’a jamais entendu Jésus parler ; il ne l’as pas vu se pencher à l’écoute des gens en leur redonnant leur dignité ; il ne savait pas que Jésus a toujours enseigné l’amour et le pardon de Dieu - tout ce que l’âme de Dismas désire. Avec la clairvoyance du moribond, il prend conscience de quelque chose, puisque l’espoir renaît dans son cœur : espoir et foi dans une autre vie, dans un autre règne, là où il n y a pas de souffrance et où les péchés sont pardonnés. C’est pour cela qu’il se tourne vers Jésus en lui adressant une demande.
Pendant sa vie, Jésus a reçu beaucoup de demandes de la part de nombreuses personnes - des demandes de guérison, de gratification, d’enseignement, de vie éternelle. Tout le monde voulait quelque chose de lui pour eux-mêmes ou pour leur famille - quelque chose de réalisable, de palpable, de ce monde. De tous ses demandeurs, Dismas est le dernier et sa demande est la plus belle et la plus humble : "souviens-toi de moi”. Il ne demande pas à Jésus de le sauver de la souffrance, de la punition, de la mort - il demande juste que l’on se souvienne de lui. Dismas sait que ce règne est dans le futur, au-delà de la mort, mais si Jésus se souvient de lui, ce sera la possibilité d’une vie nouvelle. La possibilité d’une vie qui ne sera plus sous le signe de la lutte, de la haine, mais de la paix et de l’amour.
Sur la croix, dans l’ultime phase de son agonie, Jésus lui dit toute sa foi dans l’amour de Dieu : “Aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis”. Dans cette promesse, il y a la plénitude du pardon et de l’amour ; il y a la résurrection et la vie éternelle. Etre avec Jésus, vivre comme ses disciples, nous élever au-dessus de nos erreurs et de nos chutes, espérer, aimer, croire malgré tout, n’est-ce pas la résurrection, la vie , notre vie ?
D’après un poète hongrois “ L’homme sur cette terre, au lieu de cheminer pas après pas, vole d’une croix à l’autre.” Si nous regardons notre vie, nous verrons la vérité dite par ce poète. Nous allons d’une croix à l’autre, mais il n’est pas indifférent de savoir quelle croix est la nôtre : celle de Gestas ou celle de Dismas. Il n’est pas indifférent en effet si nous traînons avec nous la croix de la haine, de l’amertume, du désespoir, ou si nous essayons de rester debout avec la croix de la pénitence, du pardon, de l’amour, de l’espoir - comme enfants de Dieu et disciples de Jésus. Ce n’est pas indifférent si nous voyons le monde avec les yeux de Gestas, ou tout doit tourner autour de moi, ou les autres sont juste des instruments - ou si nous voyons avec les yeux de Dismas, pas seulement notre peine, notre vie, mais la douleur, la peine, la vie des autres.
“Souviens-toi de moi” a demandé Dismas à Jésus ; et ,depuis, nous nous souvenons de ce “saint malfaiteur”, de ce brigand qui était à la droite de Jésus, Dismas - le saint patron de ceux qui agonisent. Souvenons-nous de Dismas, pour qui le seul moment glorieux de sa vie fut en même temps le dernier, mais souvenons-nous de lui comme l`homme qui a mérité la vie éternelle par son amour.
Chères Amies, Chers Amis, est ce que vous voyez votre croix ? De quel coté de Jésus êtes-vous ? Vous savez la réponse, vous et Dieu. Notre croix nous est donnée, mais si c’est à gauche ou à droite, cela dépend de nous, de notre manière de la porter. Si l’amour et le pardon ne naissent pas lorsque nous approchons de la mort, c’est que nous avons échoué.
Mais si en portant notre croix dans la vie quotidienne, nous trouvons le chemin le plus court vers l’autre, vers Dieu, le chemin de l’amour, alors nous sommes sauvés, alors il y a de l’espoir. Espoir pour nos souvenirs, même si cela est douloureux, espoir pour notre vie et foi dans la lumière de l’éternité, espoir qu’un jour on se souviendra de nous. Que nos souvenirs nous donnent du pouvoir dans notre foi, de l’amour dans notre vie et de l’espoir dans notre chemin avec Jésus. Joyeuses Pâques ! Amen.
"La chapelle de Réveillon à La Ferté-Vidame, dans l'Eure-et-Loir, a été construite aux XIIème, XIIIème et XVème siècle. "Réveillon" pourrait dériver du latin "rivus": rivière. La chapelle de Réveillon est exceptionnelle car elle a conservé pratiquement tout son décor de peintures murales datant du XVème siècle. Mur ouest, mur nord, choeur, abside et mur sud sont ornés de deux registres de peintures très bien conservées. Bien que tardives, ces peintures donnent une bonne idée de la profusion d'images et de couleurs qui caractérisait la plupart des églises romanes". Vu sur le site : Peintures murales des églises romanes de l'ouest de la France
Les larrons ont une jambe en retrait car elle a été brisée afin d’accélérer leur mort à cause du début du sabbat ; ce qui ne fut pas le cas pour Jésus puisqu'il était déjà mort (il reçut par contre un coup de lance afin de vérifier qu'il était bien mort). La même position est également reproduite dans les calvaires bretons.