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3 septembre 2013 2 03 /09 /septembre /2013 16:09

Pour beaucoup, la religion correspond à un appel à avoir la foi, à croire en un dieu (une divinité parmi d'autres) ou en Dieu (un Dieu unique, pour monothéistes, avec une majuscule !). Certes, mais cet aspect cultuel – l’organisation de la relation entre humains et une ou des divinités – bien que pouvant être estimée comme centrale, n’est pas la seule.

La religion nous protègeait. Ce sont les dieux titulaires qui protègent un peuple (Israël protégée, aujourd’hui encore dans les croyances juives, par IHVH), une cité, un royaume (Les rois catholiques en Espagne, la France « fille aînée » de l’Eglise, etc. ) ; mais aussi d’autres entités surnaturelles que sont les ancêtres (qui après leur mort protègent leurs descendants … à la condition que ceux-ci ne les oublient pas !), ou des génies protégeant des enclos familiaux, des marchés, des villages, ou bien encore des hommes et des femmes sanctifiées (la madone, les saints et les saintes, les fondateurs de religion), etc.
Protéger contre qui et quoi ? les catastrophes naturelles (attribuées à la colère de ces mêmes dieux !), des ennemies, les oppressions de toute sorte, mais aussi les situations dangereuses liées aux mauvaises rencontres, au hasard, etc.
La religion garantissait nos lois et notre morale. Le législateur s’efface devant une plus grande autorité, mettant au compte de celle-ci l’ordre établi. Les « Dix commandements » que IHVH remet à Moïse, les traditions coutumières garanties par les ancêtres, etc.

astronaute-vue-sur-colette--plateforme-d-Over-blog.jpgLa religion nous expliquait le Monde. Elle a réponse à tout ; exprime par ses mythes les grands mystères de la nature : le jour et la nuit, l’origine du monde, la naissance du premier homme, la différence sexuelle entre féminin et masculin, le statut des animaux, etc. En plus, elle donne sens aux malheurs, maladies et épidémies, aux accidents et aux morts non « naturelles », etc. Elle génère une culture explicative illustrant tous ces savoirs.

Avec le développement d’une philosophie hors théologie, celui des sciences hors tutelle cléricale, la désacralisation de la Nature, la sécularisation de nos sociétés modernes, que reste-t-il des religions ? Plus grand chose !
Une nostalgie d’éternité ? Ce fut le grand débat métaphysique de l’Antiquité, depuis l’épopée babylonienne de Gilgamesh (dont le Déluge s’inspira) : aux dieux l’éternité et la connaissance suprême, aux hommes le travail pour survivre, la mort comme fin, la multiplicité des langues comme division, l’ignorance face aux mystères, etc. Alors que cette éternité était promise aux pharaons et autres grands d’Egypte, le christianisme, puis l’islam, en ouvrirent l’accès à leurs adeptes d’où le développement d’une sotériologie déterminant les conditions d’accès au « paradis » : par le baptême chrétien, la confession de foi, l’obéissance aux prescriptions des clercs, l’enterrement selon un rituel conforme, etc. D’où les grands débats religieux sur le renoncement des biens matériels, la validité des sacrements, le mérite lié aux œuvres, la Grâce de Dieu, etc.
Mais de nos jours, de plus en plus de croyants disent l’être sans attendre pour autant cette récompense paradisiaque. Ils se disent désintéressés dans leurs œuvres, dans l’éthique de leur vie. Mieux, ils considèrent que Dieu donne sa grâce à tout le monde et sans condition. Au XIXème siècle, les chrétiens universalistes pensaient que l’acte rédempteur du Christ avait été fait une fois pour toute et au bénéfice de tous.
Pire, des croyants rejoignent les athées en constatant que le corps se décompose à partir de la mort, perd de son unité, et acceptent cette fin. Pour eux, l’existence d’une âme immatérielle, libérée du corps à ce moment, relève de la métaphysique grecque ou antique et n’a plus de sens à notre époque. Il reste bien entendu le souvenir que le défunt laisse à ses proches et à ceux qui l’ont connu, ses œuvres, ses biens aussi, etc. ; on fera mémoire de lui.

Toutefois cette perte du « Ciel » - démagogiquement promise à leurs fidèles par certaines religions – ne doit pas être confondue avec l’absence d’un sentiment de révérence vis-à-vis d’un univers qui conserve le mystère de ses origines. Que les hommes meurent, comme tous les autres êtres vivants sur terre, c’est là une évidence et une acceptation des lois de la Nature. Nous entrons désormais dans le cycle normal de la Vie, dans toute une évolution dont nous pouvons désormais remonter les étapes. Elle nous conduit jusqu’au big-bang, cette formidable explosion d’énergie primordiale qui marque la naissance de l’Univers. Dieu au-delà ? Les croyants répondront oui, sans doute, peut-être. Les athées ne diront rien, ou parleront de mystère. Somme toute, bien peu de différence face à ce qui est une ignorance pour tous. Pour les uns, une dimension spirituelle vécue d’une façon plus ou moins diffuse, pour les autres le constat d’un mystère. En tout cas, pas de quoi se lancer dans des discours théologiques avec des vérités absolues !

En proposant lors de ses cultes (lien) un échange d’expériences vécues et d’émotions ressenties, une attention aux autres et une compassion vis-à-vis des souffrants et des endeuillés, des actions de grâce pour nos joies et les moments importants de nos vies, des louanges à la Vie, à un Dieu créateur de l’univers, l’Eglise unitarienne francophone (EUfr) veut tenir compte de cette nouvelle façon de percevoir le monde, assurément désacralisé mais où le mystère de la Vie demeure, décléricalisé avec l’abandon des théologies devenues désuètes mais en contrepoids l’ouverture aux grandes sagesses de l’Humanité, sécularisé avec démocratie et laïcité au grand bonheur des minorités religieuses naguère opprimées ; un monde moderne où les personnes se retrouvent fortement individualisées, mieux informées, avec, à leur choix, plus de liberté de penser et d’expression, de conscience, et de responsabilité.

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10 avril 2013 3 10 /04 /avril /2013 17:16

Par son livre « Croissance infinie, la grande illusion », réédité plusieurs fois et préfacé par le professeur Albert Jacquard, Jean Aubin s’est fait connaître par son appel à une décroissance économique et démographique nécessaire à la survie de l’Humanité (lien). Il en remet une couche supplémentaire avec un second livre en 2011, en collaboration avec Serge Latouche, « La tentation de l’île de Pâques. Piller la planète jusqu’à l’effondrement ».
* tous ces livres sont publiés aux éditions Planète bleue, Le Theil, 35310 Saint-Thurial, et se trouvent sur Amazone.fr ( lien).


Alors qu’il est encore étudiant, il est interpellé par le rapport de Rome publié en 1972 « Halte à la croissance ». La même année, il découvre la communauté gandhienne de l’Arche de Lanza del Vasto qui accompagne la révolte non-violente des paysans du Larzac contre l’extension d’un camp militaire. Il se lance alors dans l’horticulture biologique, puis reprend ses études et passe une agrégation en mathématiques. Par son style direct et perspicace, plein de souvenirs, d’histoires et de bon sens, il prolonge efficacement le constat d’un Albert Jacquard dans « L’Equation du Nénuphar » (publié en mars 2000) : comment peut-on pousser à la croissance alors que notre monde est par définition limité dans ses ressources ?

developpement_catastrophique.png
Mais ce que l’on connaît moins c’est l’itinéraire chrétien de Jean Aubin. Or, son volontariat se retrouve aussi au niveau du religieux : participation à un groupe d’aumônerie étudiante, séjour à la Communauté de Taizé, rencontre à 22 ans avec le Renouveau charismatique et cheminement avec plusieurs communautés de cette mouvance, animation liturgique, contribution à une aumônerie de lycéens, militance au sein de l’action catholique, relation avec la Fraternité franciscaine ; … mais, au milieu de la cinquantaine, il quitte sur la pointe des pieds, sans faire de vague.


Il quitte « l’Eglise » pour des raisons théologiques : le Dieu providentiel ne tient plus la route et ne correspond pas aux réalités. Certes on peut admirer le rouge bouillonnant d’un fond de cratère volcanique et louer la force créatrice de Dieu, mais lorsque ce même volcan entre en éruption et cause de nombreux morts la chanson n’est plus la même. Force aussi est de constater que nos prières n’ont aucune prise sur les évènements. Certes nos prières nous transforment en ouvrant nos cœurs, en nous décentrant de notre égoïsme, en nous rendant plus disponibles pour une action en faveur des autres, mais Dieu, lui, ne bouge pas (p. 21). Plus largement, c’est un tout un credo « bien difficile » à croire.


Pour ce fils de Bretons, il va de soi qu’il s’agit de l’Eglise catholique romaine, point à la ligne. On pourrait lui conseiller d’aller voir les Eglises libérales : la mouvance protestante libérale et les unitariens, voire même certains catholiques dits contestataires, qui, eux aussi, ont remis en cause cette providence divine ; mais il est vrai que la plupart des chrétiens ne soupçonnent pas la diversité de leur religion.
 

Face à ses amis chrétiens, Jean Aubin éprouve le besoin de s’expliquer dans un livre d’une belle franchise et sérénité : « J’ai quitté l’Eglise … que reste-t-il de ma foi ? », écrit en novembre 2012 et publié en mars 2013, en format kindle à Amazon.fr au prix de 6,99 euros, chez son éditeur Planète bleue éditions au prix de 18 euros ou encore directement auprès de l’auteur à 17.10 € (18 € - 5% ; port offert ; prix unitaire pour ce livre et les deux précédents sus mentionnés). Pour joindre l’auteur (lien).


En exergue plusieurs citations qui relativisent la croyance en Dieu : l’important n’est-il pas plutôt le questionnement sincère de l’homme quelque soit son option ?
« Je crains pas tant les choix de certains de quitter l’Eglise ou le fait d’abandonner une fonction ecclésiastique. Ce qui me chagrine, ce sont les gens qui ne réfléchissent pas, qui se laissent pousser par les circonstances. Je veux des gens qui pensent. C’est là le plus important. La question de savoir s’ils sont croyants ou incroyants vient après » (cardinal Carlo Maria Martini, « Le rêve de Jérusalem »).
« Croire, ne pas croire … Ce n’est pas là le décisif, le véritable enjeu de demain. Mais la manière de croire, oui. Mais la manière de ne pas croire, certainement. L’inquiétude spirituelle, voilà l’enjeu, la vraie parenté, et donc la frontière » (Gabriel Ringlet, « L’Evangile d’un libre penseur »).
« Devrais-je renoncer une fois pour toutes à me poser ces questions de sens. La vrai foi est-elle à ce prix ? J’ai du mal à m’y résoudre. Je me sens trop fils des Lumières, de la raison, de la modernité pour simplement répéter les formulations dont le sens m’échappe » (Jean-Claude Guillebaud, « Comment je suis redevenu chrétien »).


Pourtant, entre le rude Breton né d'une modeste famille catholique et la perspective d’une décroissance économique, le lien était très fort, intime : « … ceux qui cherchent à vivre l’Evangile y trouvent une raison supplémentaire, s’il en est besoin, de porter au cœur de l’humanité les valeurs de frugalité et de solidarité qui conditionnent sa survie » (p. 10). Qu’en reste-t-il aujourd’hui ? puisque c’est la question posée par le titre du livre … Un Dieu compatissant, celui de Jésus : « Il m’arrive d’imaginer Dieu, le visage baigné de larmes face au malheur des hommes. Il pleure car il est impuissant face à cette souffrance » (p. 19). L’auteur n’exclut toutefois pas l’action possible de "l’esprit" (des êtres humains, de la Nature, de Dieu ?) sur les choses (p. 20).

 

Il lui reste aussi et surtout la vision d’un Royaume de Dieu selon les Béatitudes, où Jésus nous a fait part de son rêve, au sens où le pasteur baptiste Martin Luther King dira 19ième siècles plus tard : « Je fais le rêve » … (p. 48), vision d’une Humanité fraternelle et solidaire dont nous avons tant besoin et où les richesses seront partagées (p. 61). Il reste l’enseignement humaniste de Jésus qui, en disant à ses disciples qu’ils devaient être « le sel de la terre », « la lumière du Monde », a lancé un appel mobilisateur qui résonne encore (p. 120), plus nécessaire que jamais. Pour l’auteur, la détermination des élites, de grands hommes, peuvent faire encore « échec au probable », dévier le cours des choses, redresser la barre. Il compte sur les valeurs évangéliques « Sobriété et solidarité : deux enseignements placés au cœur même de l’Evangile » (p. 175).


J’aime cette insistance sur la sobriété de vie, à l’inverse de l’accumulation égoïste des richesses, qui remplace l’ancienne exhortation à la pauvreté afin de gagner le Ciel. C’est là un vocabulaire nouveau, sans relent masochiste ni doloriste et sans autre excès, qui ne pénalise personne et permet le partage. Il va dans le sens des valeurs évangéliques tout en pouvant être très largement adopté comme style de vie par tous. La sagesse d’un retour à la Nature loin de l’agitation des grandes villes, la restriction drastique des dépenses en temps de crise économique, la vie modèle d’un élu démocrate qui se doit au service des autres, et bien d’autres motivations modernes, rejoignent aujourd’hui la vision des décroissants. Le nouveau pape catholique, François, a lui aussi su, dès son élection, faire les gestes de la simplicité loin des mondanités romaines : ils ont rencontrés d'emblée un immense écho médiatique. Alors que la culture people donne à admirer les riches et les puissants, ceux qui réussissent et connaissent le succès, voici qu’émerge une nouvelle culture de la modestie où les chrétiens fidèles à l’Evangile sont tout naturellement en première ligne.

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10 octobre 2012 3 10 /10 /octobre /2012 02:37

john_shelby_spong.jpgJohn Shelby Spong, maintenant à la retraite, fut évêque anglican (c'est-à-dire épiscopalien) de Newark dans le New Jersey aux États-Unis :

 

« Aucun concept de Dieu ne peut être plus qu’une construction humaine limitée, et nos mots personnels pour en parler, il faut bien l’admettre, ne révèlent pas Dieu, mais nos propres désirs. Les croyants en exil sont obligés de reconnaître aujourd’hui que les bibles, les credo, les doctrines, les prières et les hymnes, ne furent tous que des objets créés, pour nous permettre de parler de notre expérience de Dieu, à une période antérieure de notre histoire. Mais celle-ci nous a amenés à un moment où le contenu littéral de ces objets n’est rien moins que dénué de signification, où les définitions traditionnelles sont inopérantes et où les symboles n’arrivent plus à correspondre à la réalité.

 

Une partie de l’expérience d’exil est une sorte de veillée mortuaire de Dieu, tel que nous l’avons connu. Quand un concept de Dieu meurt, jamais il ne ressuscite : voilà la cause de notre angoisse en exil. En vérité le théisme, comme façon de concevoir Dieu, est devenu inadapté, le Dieu du théisme est en train de mourir et ne pourra être ranimé. Si la religion de l’avenir dépend du maintien en vie des affirmations théistes, alors ce phénomène humain appelé religion sera arrivé à sa fin. Si le christianisme repose sur une définition théiste de Dieu, il faut être lucide : ce noble système religieux est à l’agonie ; bientôt ce sera la rigidité cadavérique. Peut-on être chrétien sans être théiste ? »

 

Extrait du n°182, octobre 2004, d'Evangile et Liberté (cahier Croire en Dieu... mais quel Dieu ?,  lien), cité par Michel Jas (pasteur ERF) au sein du groupe Protestantisme libéral  sur Facebook le 9 octobre 2012. En plus de ce cahier d'Evangile et Liberté, voir aussi le dossier le concernant sur le site Protestants en ville, avec de nombreux textes traduits en français par Gilles Castelnau (lien).

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20 septembre 2012 4 20 /09 /septembre /2012 10:53

Grand Vent, Livre II, juillet 2010 p. 2-3 (lien), par Marie-Luce Job* ; un livre sur Facebook que l'auteur m'a permis de consulter. Elle est poétesse mais ce qu'elle dit ici, aucun historien ne pourrait la contredire. Les religions nous dit-elle résultent de crispations pour retenir, répéter, posséder, déformer, enfermer autrui ... bref, du pouvoir religieux. Mais aussi, ce qu'elle ne dit pas, elles véhiculent des spiritualités qui ouvrent nos coeurs et nos âmes, et elles accompagnent nos vies humaines pour le meilleur et pour le pire. Avec notre Eglise, choisissons en le meilleur ! (Jean-Claude Barbier).

* dans son espace de prière et de méditation (lien), le site de notre Eglise, a publié deux poèmes de Marie-Luce Job "Y a-t-il un regard ?" (le 18 septembre 2012) et "Être présent" (le 19 du même mois).

 

D'autres prétendent que Dieu est unique et seul. (Qu’est ce que Dieu tout d'abord ?)

 

Alors, devant cette thèse ou théorie, comment dès lors envisager une quelconque opposition et nos rapports avec les dieux ? Si l'on se met à évoquer toutes les autres façons de croire et ce que par ailleurs l'on croit, alors tout ceci devient une arborescence qui va dans tous les sens, toutes les directions ... animisme, chamanisme, shintoïsme, cultes divers et variés, chacun le sien, et tout autant, toutes sciences. Chacun ses "tabous" et ses interdits, chacun ses enfers et ses paradis. Diversité multiple comme la multiplicité des formes de la nature... que l'homme cherche sans fin à comprendre ; dont il cherche à en saisir les lois et la nature, au travers de l'étude, de la description ...

 

En attendant que de malheureux cela crée ! Que de gens torturés cela crée. Que d'êtres renfermés en leurs propres tortures cela crée, que de superstitions cela crée ! Que de mains mises cela crée. Que de douleurs intimes et autres, que de dysharmonies, que de tensions, que de fausses idées !  Que d’enfermements, que de condamnations, que de punitions à soi même et à autrui, que de peines et que d'antagonismes ! Les religions, les unes et les autres, ainsi que chacune des théories et des croyances quelles qu'elles soient, y compris leur négation par d'autres croyances appelées athéisme ou toute autre, tout cela revient au même : tout un fatras qui a formé, formaté, "éduqué" des générations depuis des millénaires ! Pour un si piètre résultat : des cohortes sans nombre de malheureux, de « déviés «, de perdus, d’esprits et de corps sans liberté aucune. Sans latitude, sans solution, sans .... ?

 

Des générations entières d'êtres féminins mutilés, enfermés, forcés au silence et au mutisme, forcés à subir l'ignorance et la superstition ... Bref, tout un spectacle affligeant.

 

Depuis des millénaires les même choses sont répétées sans cesse, ritualisées sans cesse, les mêmes gestes sans fin reproduits ; sans fin répétés encore et encore jusqu'à en perdre leur sens premier et profond , vrai ... les mêmes incantations, les mêmes supplications, encore et encore ! Rendant aussi mort que ça peut l'être ce qui est éminemment vivant ! Les symbolistes le diront, les ménagères de quelque âge que ce soit aussi, tout s'use : TOUT. Loi naturelle.Tout s'use, se dégrade, se détruit, se transforme : y compris les croyances et les dogmes et toute construction intellectuelle ou de briques. Les symbolistes savent que les symboles perdent leur "pouvoir ", leur sens vivant ; qu'ils s'affaiblissent avec le temps et la répétition sans cesse ; les ménagères savent que, si l'on ne ravive pas les meubles de temps en temps, ils finissent encrassés et méconnaissables.  Loi de l'entropie contre laquelle s'usent bien des énergies ! ET, eux , ils continuent depuis des millénaires à répéter encore et encore, s'enfermant dans les mêmes dogmes et idées vieillies et poussiéreuses sans jamais voir qu'ils en ont tué le Vivant !

 

religions_et_pouvoir.jpgLe problème, consiste à s'emparer de quelque chose, de quoi que ce soit, d'en faire une rigidité, d'en faire un inamovible, d'en faire une loi, d'en faire un enfermé, d'en faire un non vivant, un non libre. Et dès lors, un problème. Qu'il s'agisse du sexe, de la religion, de la politique, de son ménage ou de toute autre chose. Le problème est vraiment de s'emparer de quoi que ce soit, de ne pas le laisser venir et disparaître librement ; comme tenter de d'en capturer l'essence, le mouvement, l'aller et le venir ...

 

illustration choisie par l'auteur pour accompagner son texte

 

Qu'il s'agisse des idées qui viennent et s'en vont, des sentiments, des émotions, des douleurs corporelles, des états d'âme, de la lumière, du vent, des évènements, des images, des moments, vous cherchez à capturer sans cesse ; à retenir, à conserver, à garder pour vous, à vous approprier, à posséder, qu'il s'agisse d'un souvenir, d'une femme aimée, du temps qui passe, d'un moment heureux, d'un sentiment de frustration, de déception, d'humiliation, d'un homme, d'un enfant, d'un belle chose, d'un magnifique coucher de soleil , d'un corps lisse et sans rides ; tout cela revient au même.

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11 avril 2012 3 11 /04 /avril /2012 13:15

Libre propos de Jean-Claude Barbier (note du 17 août 2010), publié dans le bulletin n° 114 de la Correspondance unitarienne d'avril 2012, traduit en italien par Giacomo Tessaro le 29 avril 2012 sur le site de la Congegazione Italiana Cristiano Unitariana (CICU), lien


L’évangile de Jean avoue que « nul n’a jamais vu Dieu ». Comment alors peut-on en parler ? On s’appuie sur des dites révélations pour affirmer que Dieu ou telle divinité est ceci ou cela !  Mais qu’en sait-on réellement ?


Les polythéismes africains sont par exemple beaucoup plus sobres sur le Dieu créateur qui, remonté au ciel, ne s’occupe plus de la destinée des humains. Les gens crient vers lui au temps des disettes et des grandes catastrophes, mais sachant que c’est en vain. Ils ont recours à des divinités utilitaires qui, elles, sont connues par leur sexe, la ou leurs couleurs préférées, et leur caractère.


Creation--Michel-Ange.jpg

Michel Ange - la Création d'Adam


On s’émerveille en lisant dans la Genèse que Dieu fit l’homme à son image, mais si c’était l’inverse ? On façonne un Dieu idéal avec nos mots et nos pieuses spiritualités pour affirmer notre soumission totale à sa volonté supposée (l’islam) ou encore pour nous rapprocher de Lui par des prophètes qui jouent les intermédiaires (Jésus) et des êtres parfaits (le culte marial et celui des saints). Ne créons nous pas des idoles faits de mains d’homme, y compris IHVH de l’Ancien testament et le Dieu Amour si cher à Jésus ?


Les dieux sont protecteurs de leur peuple et lorsque celui-ci connaît des revers, ceux-ci sont tout simplement expliqués par les fautes des fidèles et leur manque de piété. Dans ce système, les dieux ont toujours raison. Ne faut-il pas punir le peuple à la nuque raide, le redresser et le remettre dans le droit chemin, condamner la vanité et la suffisance des puissants, leur montrer qu’ils doivent aussi se soumettre à la volonté des dieux ? Dans le cas de l’anéantissement d’un peuple, une grave crise de confiance s’instaure et ont dit alors que tel dieu a abandonné son peuple.


Vouloir qualifier les divinités est toujours risqué car les attentes des fidèles risquent d’être déçus. Comment dire par exemple que Dieu est juste et non pas arbitraire s’il reste sourd aux suppliques de ses fidèles, surtout si ceux-ci sont pauvres, victimes d’injustice, innocents de faute. Certes, que Ta volonté soit faite, mais encore faut-il que Dieu réponde d’une manière ou d’une autre, de personne à personne. On se rappelle du cri de Job : si j’ai fauté par inadvertance, dis moi au moins qu’elle est cette faute ? Il reste à se soumettre sans comprendre ce qui arrive, à mettre cela sur le dos des mystères de la grandeur de Dieu, hors de portée de notre raison. C’est la fin de l’alliance lisible, à savoir d’un contrat clair et net entre le dieu protecteur et ses fidèles.


En affirmant un Dieu universel qui gère non seulement le peuple élu, mais aussi tous les autres peuples, le judaïsme eschatologique, se basant sur les grandes visions d’Isaïe, imagine toutes les nations réunies sur le mont Sion (sous la houlette d’Israël bien sûr !) et reconnaissant la toute puissance du dieu d’Israël, les autres dieux étant relégués au statut d’idoles faites de main d’homme. IHVH protecteur d’Israël, mais aussi de la cité de Ninive, acceptant la repentance des gens de cette ville et leur pardonnant au grand dam du prophète juif Jonas. Mais nous sommes là dans le contexte d’une Fin de temps, car comment un tel dieu pourrait-il protéger des peuples dont les intérêts seraient divergents ? Certes au terme des guerres, les nations monothéistes qui sont victorieuses chantent un Te Deum et les autres retournent à la piété des souffrants.


En plus, par rapport aux autres religions, le christianisme, en introduisant la notion d’un Dieu Amour court plus particulièrement un gros risque de contradiction. Certes, une partie des malheurs est expliquée par Dieu qui punit les insolents et les vaniteux, qui se rappelle à notre piété. La méchanceté des hommes qui font souffrir les autres explique aussi bien d’autres malheurs : Dieu s’en occupe puisqu’ils n’échapperont pas à un Jugement dernier ! Mieux leurs victimes seront récompensées de leurs souffrances : Bienheureux … Le Satan est également là pour expliquer l’endurcissement des cœurs et la cruauté humaine. Mais il restent les catastrophes naturelles dont on ne voit pas trop bien ce qu’elles viennent faire dans une Création faite par un Dieu Amour.


Alors faut-il maintenir un théisme avec un Dieu providentiel, juste et attentif à chacun ? Désireux du progrès de l’Humanité, guidant nos pas, nous relevant lors de nos chutes, veillant à nos destins.


Le panthéisme connaît en ce moment un retour en sa faveur : un Dieu créateur qui ferait corps avec sa création, qui serait dans ses lois et qui n’y dérogerait pas nonobstant les justes suppliques des uns et des autres ; une Création où la vie et la mort sont étroitement liées, où l’éternité se joue dans une chaîne de transmission, dans la naissance de nouveaux individus, et non pas dans la prolongation de la vie d’un individu si puissant soit-il, si méritant soit-il (par la divinisation des héros, par la résurrection, par la réincarnation, etc.). Le Dieu non plus d’Israël, mais le Dieu du big-bang, immanent à cette lumière bleue des origines, à la fois cause et effets. La Source de toute chose, de la Vie, l’Être qui contient tout, l’existant au-delà des formes diverses de son œuvre.


Mais alors, paradoxalement, on retourne au culte de Baal, célébrant le renouvellement de la Nature à chaque printemps, la Vie qui se continue inexorablement au travers des froidures de l’hiver. On célèbre l’ivresse de la vie que nous apporte Bacchus avec son vin. On célèbre les jouissances sexuelles qui, par le plaisir, permettent la reproduction des espèces. On retourne aux grandes intuitions du paganisme où le fidèle fait corps avec la Nature.

 

Un Dieu avec qui on ne dialogue pas, sourd à nos prières, mais que l’on peut louer pour la Vie qu’il nous a donnée. Un Dieu qui ne nous promet rien, mais qui est donneur de vie dans une dynamique teilhardienne où l’on peut, en définitive, retrouver Son intelligence et Son amour. Car cette Création, toute chaotique qu’elle puisse paraître dans le court terme, évolue vers plus de conscience, de connaissance, d’éducation, de communication, de fraternité … Ce qu’essaie de nous dire la théorie du Dessein intelligent.

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21 mai 2011 6 21 /05 /mai /2011 01:27

vu par un franc-maçon de Rite écossais ancien et accepté, chrétien unitarien


Le Suprême conseil de France, juridiction gardienne pour la France du Rite écossais ancien et accepté (REAA), rappelait à l’occasion du deuxième centenaire de notre Rite que par l’invocation « A la gloire du Grand Architecte de l’Univers », le maçon ne s’obligeait pas à honorer une entité divine personnalisée mais simplement à témoigner de l’admiration révérencieuse que lui inspirait le mystère de la Création à l’œuvre dans le monde. « En adhérant à la devise « ordo ab chao », poursuivait-il, le maçon de Rite écossais reconnaît l’existence d’un Principe d’Ordre à l’œuvre dans l’univers. Et la devise « Deus meumque jus » lui signale sa double nature : divine, relevant de l’Etre universel dont il procède – humaine, soumettant ses actes à la seule détermination de sa conscience d’homme libre."


J’ai le sentiment que tout est dit dans les trois propositions de ce passage.


la puissance de l'Être

 

L’admiration révérencieuse naît de l’intuition de la présence mystérieuse en nous et dans le monde manifesté d’une force de vie, de la puissance de l’Etre, qui nous fonde à la racine de notre être. La prise de conscience de cette réalité spirituelle constitue la Révélation première, universelle, Lumière intérieure enracinée au cœur de l’âme humaine, comme le rappelle l’évangile de Jean.


Mais l’esprit de l’homme est ainsi fait que les divergences apparaissent dès que nous tentons de conceptualiser la réalité mystérieuse que nous pressentons. Les doctrines métaphysiques ou les dogmes religieux sont en effet formulations de l’expérience qu’ont les hommes du sacré, au moyen de mots humains, trop humains, toujours relatifs et changeants. Paraphrasant Me Eckhart, nous pourrions dire que le Principe n’est Dieu que lorsque des hommes sont là pour le concevoir, utilisant alors des mots substitués pour évoquer son indicible réalité.


« Comprenons bien, nous dit un rituel maçonnique, que le Principe suprême que nous traduisons par ce symbole est ineffable et lui donner un nom (Dieu, Allah, Yahvé), c’est le rapetisser à la mesure humaine donc le profaner ».


Mais comprenons bien aussi qu’il ne s’agit pas là d’une condamnation des voies traditionnelles qui toutes tentent d’exprimer à leur manière le lien au Principe, sur la base de révélations historiques dont la franc-maçonnerie n’a pas à juger la pertinence. Le maçon Ecossais par contre les relativise car il sait que la représentation que nous nous faisons de la Présence immanente et transcendante est toujours inappropriée, ébauche infidèle, source d’idolâtrie pour qui ne comprend plus son lien de dépendance avec le Principe métaphysique qu’elle cherche à rendre sensible à l’homme.


Il nous faut dès lors rester au plus près de la formule symbolique et tenter d’en éprouver le sens premier, avant qu’il ne soit pollué par les représentations mentales ou les anthropomorphismes. C’est l’essence même de la spiritualité maçonnique. Car c’est bien une spiritualité non religieuse (au sens confessionnel du terme) qui nous réunit dans nos loges, l’intuition de l’Unité primordiale qui donne sens à la multiplicité, l’expérience craintive et confiante à la fois d’un Principe premier, source d’un Ordre mystérieux faisant du monde éclaté un Cosmos.

 

l'initiation maçonnique


Pour les artisans maçons du Moyen-âge, l’expression « Grand Architecte de l’Univers » manifestait avec les mots du métier l’ordre profond du monde créé. L’architecte trace les plans de l’édifice et surveille sa construction. Fénelon disait que celui qui élève un côté du bâtiment n’est qu’un maçon, mais celui qui a pensé tout l’édifice et en a les proportions dans la tête, celui-là est l’architecte. Ce symbole évoque donc l’unité du temple à construire, et l’harmonie qui s’étend de l’homme au cosmos. C’est un symbole universel, archétypal, présent dans de nombreuses aires de civilisations.


Il n’est nul besoin de partager les théories cycliques véhiculées par la pensée orientale pour constater, dans le monde moderne, une perte de conscience généralisée du lien avec le Principe et conséquemment la dissolution de la conscience de l’ordre traditionnel. Il nous revient donc d’en recueillir et cultiver les traces, disséminées dans le corpus symbolique des différentes traditions, comme dans l’enseignement des Sciences sacrées, et d’en assurer la transmission.

 

C’est l’objet même de l’initiation, le but qu’elle se propose. Ainsi, l’initiation maçonnique par la voie particulière d’une initiation de métier, est, comme toutes les voies ésotériques, dévoilement progressif de la manifestation du divin dans le Cosmos et découverte de l’Ordre sacré. Au-delà de la simple intelligence formelle des choses, elle constitue une interpellation spirituelle adressée à chacun de nous, afin de poursuivre par un travail personnel la transformation de notre être, et d’atteindre par la conformité à l’harmonie universelle, la réintégration dans notre état essentiel, celui mythique, de l’âge d’or, celui de l’Homme véritable.

 

une polarité en l'Homme


Mais l’homme, dans la quête de son être essentiel est constamment partagé entre deux sentiments antinomiques : celui d’une présence immanente de l’Etre et, dans le même temps le sentiment opposé d’une altérité, l’impression d’être étranger à sa propre essence. Ces deux intuitions fondamentales forment une polarité et une tension permanentes constitutives de la condition humaine.


Unité et séparation d’avec le Principe expriment la vérité profonde d’une réalité ontologique traduite au plan du symbolisme religieux par le mythe de la Création et de la Chute. Elles fondent à la fois l’autonomie de l’homme et sa liberté, et sa dépendance vis à vis de la Puissance d’être qui lui communique la vie. Le réel intègre dès lors, à la fois, la dimension du profane et du sacré. Profane lorsqu’il est vu en lui-même, indépendamment de son unité avec le Principe, sacré quand il est vécu comme épiphanie.


Tout être et toute chose sont ainsi sacrés et profanes tout à la fois, et peuvent devenir vecteurs d’un divin immanent. Mais ils renvoient au divin au-delà d’eux-mêmes, et l’infini que l’on veut y saisir s’échappe sans cesse, laissant l’homme perpétuellement blessé et son désir inassouvi.


Faudrait-il donc désespérer de pouvoir dépasser jamais ce déchirement qui nous interdit la plénitude du sacré ?


Non car l’Esprit peut saisir l’esprit humain pour le hisser au-delà de lui-même et par l’action créatrice de la foi surmonter sans les annihiler les contradictions inhérentes à notre condition. Mais qu’on ne se méprenne pas, la foi (ou confiance dans la Réalité ultime) est un phénomène universel, qui ne se réduit pas à la dimension religieuse. Il intègre en effet une dimension initiatique, qui loin de toute approche dogmatique, privilégie l’expérience de la Présence sacrée au sein du cosmos. L’initié, par une approche empirique, découvre alors dans la connaissance intérieure de lui-même et du monde le sens de la vie, perçoit qu’il est étincelle divine et s’ouvre à la Transcendance salvatrice.


La sacralisation du temps et de l’espace recrée au sein de la Loge, oasis spirituel au sein d’un monde sécularisé, un temps et un espace privilégiés où le maçon s’efforcera de retrouver la dimension de réconciliation de l’essence et de l’existence, dans l’Unité reconquise de son être. Car c’est bien d’une reconquête qu’il s’agit : au moyen de l‘ésotérisme spécifique à la Maçonnerie, et par la magie propre au symbolisme et à la démarche initiatique, la reconquête pour lui-même et le monde qui l’entoure, de cette dimension perdue du réel, qui seule permettra le dépassement de nos ambiguïtés et de nos contradictions.

 

quadro_reaa_grande.jpg

 

en lien avec ma foi chrétienne


Toute conclusion sur le thème du Grand Architecte de l’Univers ne peut être que provisoire et personnelle. Elle doit me permettre par contre de faire le lien entre la démarche initiatique et la foi chrétienne à laquelle j’adhère.


La voie initiatique est ainsi pour moi le complément indispensable de mon attachement à la voie de la Révélation biblique : la fidélité maintenue du Rite écossais au corpus symbolique judéo-chrétien, même s’il ne s’agit plus aujourd’hui que d’une référence culturelle, permet en effet un enrichissement spirituel prenant appui sur cette forme traditionnelle, tout en préservant l’accès à l’Universel. Aucun croyant, dans cette évolution, ne doit craindre une perte de substance, elle offre en effet le moyen providentiel de renouer avec l’Alliance noachique et la révélation première. Dieu n’abroge aucune de ses alliances, et la Vérité est une, au-delà des formes.


Car le symbole du Grand Architecte de l’Univers m’unit par delà les confessions de foi à tous les croyants. J’entends par croyants, non pas ceux qui adhérent à une religion positive ni même ceux qui font profession de croire en Dieu, mais ceux d’entre les hommes qui sont à l’écoute de la Transcendance, quel que soit le nom qu’ils lui donnent, et même s’ils ne souhaitent pas la nommer. Ceux là sont en quête de la Tradition, du Sacré, du Divin.


Ils sont des cherchants, car si le Divin se dérobe toujours, c’est la vie même que le chercher, jusqu’à ce que l’Orient éternel nous ouvre la Connaissance du mystère de l’Etre.


Yves Lecornec

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3 mai 2011 2 03 /05 /mai /2011 03:57

par Jacques Meurice, prêtre ouvrier en retraite.

L’histoire des prêtres ouvriers est une longue suite de découvertes. Depuis les premières expériences dans le cadre du Service du travail obligatoire (STO), imposé par l’occupant durant la guerre 40-45, jusqu’aujourd’hui, où la plupart d’entre eux sont à la retraite, les prêtres ouvriers n’ont pas cessé de découvrir.

 

A peine sortis de leurs couvents, des collèges où ils étaient professeurs ou des paroisses où ils étaient vicaires, ils ont aussitôt découvert la vraie vie, celle où, comme tout le monde, il faut faire la file dans les bureaux d’embauche, celle où on va sans relâche d’une usine à l’autre à la recherche d’un travail, où on lit avec empressement et une certaine anxiété les offres d’emploi dans les journaux, le matin…Mais aussi, ils ont certainement découvert alors une certaine liberté, la liberté qu’on ressent quand on est devenu un homme comme les autres, qui doit vivre uniquement de son travail, qui n’est plus repéré dans la rue comme un notable, qui ne porte plus de titre. Ils sont sortis du statut de clerc, d’ecclésiastique, et se sont alors rendu compte de ce que cela avait pu avoir d’étouffant, d’immature parfois, d’irréel en quelque sorte. Il n’est pas impossible que certains d’entre eux aient ressenti cette nouvelle liberté à la façon d’un homme qui sort de prison, où il serait resté un certain temps !

Rien ne peut permettre à un évêque de contraindre un prêtre à devenir prêtre ouvrier. Ce n’est pas prévu, ni comme promotion, ni comme sanction par le droit canon ! Tous les prêtres ouvriers sont donc des volontaires. Mais quand il arrive à un évêque d’envoyer un prêtre en usine - chose devenue très rare aujourd’hui pour ne pas dire obsolète, ou même largement inconvenante - il l’envoie avec pour mission de ramener le monde ouvrier à l’église et à l’Eglise. C’est en quelque sorte, dans son esprit, un missionnaire qui va franchir certaines frontières sociales pour ramener du bon côté de celles-ci un troupeau qui s’est égaré. Il faut bien dire que ce fut rarement le cas. Le taux de réussite, envisagé de cette façon, est absolument décevant, proche du zéro % dans la plupart des cas. Et les églises, chez nous, n’ont pas cessé de se vider. Cela n’a pas empêché le Père Chenu, dominicain théologien  et expert au Concile Vatican II, de dire que « les prêtres ouvriers avaient été l’évènement religieux le plus important depuis la révolution française ».

En écrivant Les saints vont en enfer, paru chez Robert Laffont en 1952, vendu à plus de 1.600.000 exemplaires, Gilbert Cesbron a sans doute idéalisé leur expérience, tout en décrivant très bien les conditions  de vie qui étaient les leurs. Il a montré avec beaucoup de talent comment ils s’étaient fondus dans la masse, comment ils avaient pris à bras le corps les problèmes de travail, de logement, de misère... Comment, dans les années 50, ils s’étaient engagés dans les mouvements pour la paix, comment ils avaient été impliqués dans la lutte des classes avec les militants du parti communiste. En fait, ils ont découvert alors le besoin pour le peuple de s’unir pour lutter, ils sont entrés dans les organisations syndicales, ils ont manifesté et participé à des actions politiques. On les a vus sur des barricades, aux grandes grèves de 60 en Belgique, de 68 en France. Ils ont agité des drapeaux, le plus souvent des rouges. Ils se sont battus pour la classe ouvrière. Certains ont été arrêtés, ont connu la prison. Ils avaient découvert plus que l’amour du prochain, c’était la camaraderie, la solidarité qui leur paraissait s’imposer comme un objectif évangélique.

En 1954, sous la direction de Pie XII, le Vatican a interdit les prêtres ouvriers, sans tenir aucun compte des initiatives et des intuitions du cardinal Suhard à Paris, et d’autres évêques, un peu partout. Un délai très court leur a été imposé pour quitter le travail et regagner paroisses et couvents. Certains se sont soumis à cette décision par pur esprit d’obéissance, aveugle et inconditionnelle sans doute, mais dans la souffrance. D’autres ont protesté, refusé de se soumettre, avançant une réelle objection de conscience. Leurs engagements n’étaient-ils pas devenus le sens de leur vie ? Ils ont continué, dans la souffrance aussi, et ont été amenés à prendre progressivement leurs distances d’avec l’institution ecclésiastique qui les rejetait. C’était aussi l’année où en plein hiver l’abbé Pierre lançait son appel en faveur des sans logis, à Paris.

On a dit que Rome n’avait rien compris de tout cela. Ce n’est pas sûr. Rome devait avoir soupçonné quelle était la grande découverte des prêtres ouvriers, ce qui explique en partie son attitude. Car les prêtres ouvriers commençaient à dire et à écrire alors, que les valeurs évangéliques auxquelles ils tenaient le plus et à la recherche desquelles ils s’étaient entièrement consacrés, ils les avaient découvertes, à l’état quasi naturel, au sein du milieu ouvrier. Il s’agissait essentiellement du sens de la justice sociale, du goût pour la vérité, du droit à la liberté, du partage des biens dans l’entraide et la fraternité, de la solidarité et de l’égalité, de l’attention et de la préférence portées au faible, au petit, au dernier… En bref, le contenu des béatitudes énoncées par Jésus. Après l’avoir longtemps et souvent cherché en vain dans les institutions de l’Eglise, ils pensaient en avoir finalement découvert l’ébauche et au moins les prémices dans le monde du travail. De missionnaires ils devenaient explorateurs, découvreurs, et le résultat de leur découverte était de première importance. Car enfin, où se trouvait finalement livré le vrai message chrétien ? Etait-ce dans la cathédrale avec son or, ses rites, sa liturgie et son sacré ou n’était-ce pas dans l’atelier, le laminoir, le chantier, avec sa camaraderie, son partage et sa fraternité ? Un choix ne s’imposait-il pas ? Jésus n’avait-il pas renversé les échoppes des marchands dans le portique du temple ? N’avait-il pas dit que la vérité n’était pas à rechercher à Jérusalem ni à Garizim, dans les temples, mais dans le cœur et l’esprit de chaque homme ?

pretres_ouvriers.jpgPour beaucoup de prêtres ouvriers la question s’est donc posée de savoir où se trouvait le christianisme et ce qu’il devait être. Ce n’est pas une question courante et habituelle mais pour beaucoup d’entre eux, la découverte du monde du travail s’est accompagnée d’un pas décisif qui était plus un engagement qu’une rupture. Il devenait difficile pour eux de garder des contacts et de vivre des relations sur deux plans aussi différents. Des choix se sont imposé à eux de plus en plus clairement : l’Evangile ou l’institution, car de toute évidence les deux ne coïncidaient pas. Si certains ont alors rejeté l’obligation du célibat et relativisé la promesse d’obéissance faite à l’évêque, si certains ont alors pris des engagements syndicaux ou des responsabilités politiques, c’était dans la logique des choses et on ne peut pas dire pour autant, comme certains l’ont fait, qu’ils avaient choisi la voie royale pour sortir de l’Eglise.

La grande découverte des prêtres ouvriers ce sont les valeurs évangéliques vécues par les pauvres, les petits, et cela a provoqué chez eux une contestation radicale d’un système ecclésiastique qui avait au cours des siècles accumulé sur ces valeurs, des rites, des dogmes, des sacrements, qui finalement les trahissaient beaucoup plus qu’ils ne les traduisaient et les livraient au monde.

La grande découverte des prêtres ouvriers n’a pas transformé l’Eglise pour autant, car le nombre de prêtres s’est progressivement réduit à l’extrême en Occident, ainsi que les emplois ouvriers, d’ailleurs. Un prêtre qui voudrait vivre aujourd’hui une intégration totale à la société ne devrait-il pas devenir plutôt chômeur, demandeur d’emploi permanent ? On reproche parfois aux prêtres ouvriers qui survivent aujourd’hui d’avoir acquis une mentalité d’ancien combattant, par rapport à l’Eglise institutionnelle, mais est-ce vraiment leur faute, et n’était-ce pas pour beaucoup le dernier combat ?

Ils ne sont pourtant pas les seuls à avoir fait cette découverte. En Amérique latine principalement, du temps des dictatures militaires, les théologiens de la libération ont également compris quels étaient les engagements qui s’imposaient à ceux qui voulaient vivre l’Evangile. Jean-Paul II les a condamnés sans appel et n’a pas hésité à supprimer dans le Magnificat qu’il lui est arrivé de chanter en Colombie, les deux lignes qui les justifiaient : Il a renversé les puissants de leur trône et Il a élevé les opprimés.

Les mouvements qui ont, durant des années, mené la contestation dans l’Eglise, comme Echanges et Dialogue, qui avait recueilli les signatures de plus de mille prêtres francophones, avaient eux aussi fait cette découverte et pris des engagements dans ce sens. On a refusé de les écouter et les vocations se sont faites dès lors de plus en plus rares. Les jeunes ne sont cependant pas moins généreux. Peut-être ont-ils compris eux aussi qu’il valait mieux chercher l’Evangile là où il était ?

Jacques Meurice a publié :
Adieu l’Eglise, chemin d’un prêtre ouvrier, L’Harmattan, Paris, 2004, 159 p.
présentation par Jean-Claude Barbier dans la Correspondance unitarienne, n° 54, avril 2006 ( lien)
 Jésus sans mythe et sans miracle. L’évangile des zélotes ; Golias, Villeurbanne, 2009
présenté dans les Actualités unitariennes le 27 juin 2009 (lien), puis le 13 novembre 2009 (lien)

Correspondance unitarienne © 2011

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28 mars 2011 1 28 /03 /mars /2011 17:17

« La sortie de religion, est-ce une chance ? » par Michel Gigand, Michel Lefort, Jean-Marie Peynard, José Reis et Claude Simon, publié en août 2010 aux éditions L'Harmattan dans la collection "Religions et spiritualité", 193 pages, 18 euros.

la_sortie_de_religion2.gif« Nous nous situons du côté des perdants de nos sociétés ». Les cinq prêtres-ouvriers qui écrivent ce livre nous parlent de leur vie de travail professionnel et de leurs engagements en classe ouvrière. Ils nous font part de leurs évolutions, des bouleversements, conséquences en partie de cet enracinement dans le peuple ouvrier très marqué par le processus de sécularisation.

Les échanges qu'ils vont avoir dans leur équipe de prêtres-ouvriers pendant une bonne vingtaine d'années portent sur le partage de la vie et des luttes ouvrières bien sûr, mais aussi sur la foi qui les anime dans ces réalités. Dans le livre ils nous montrent à quel point cette foi chrétienne au fil des ans a évolué : ils sont passés de pratiques en religion de chrétienté à des pratiques d'humanisme évangélique... Que de chemin parcouru !

« Les premiers chrétiens ont fait collectivement une démarche de sortie de  religion tant juive que païenne pour l’annonce du salut universel qu’ils ont perçu dans le message de Jésus. Nous nous retrouvons aujourd’hui dans une situation pas banale : il s’agit comme eux de sortir à notre tour d’une religion de chrétienté pour que puisse être proposé aux humains l’humanisme universel de l’Évangile ». D'où le titre du livre « La sortie de religion, est-ce une chance ? »

Cet écrit collectif est riche d'une part des témoignages très concrets et humains de ces hommes solidaires du peuple ouvrier, et d'autre part d'une analyse de la foi chrétienne qui colle bien à la réalité de terrain. Le théologien Joseph Moingt, le philosophe Marcel Gauchet, les formations « Lire la vie, lire la Bible » les ont bien aidés dans leur réflexion.

Le Royaume de Dieu, qu'ils appellent réussite de l'humanité, message essentiel de Jésus, ils le perçoivent dans les luttes du mouvement ouvrier... Il est déjà là et pas encore...

Au total cela vaut le coup d'écouter tout ce qu'ils ont à nous dire en toute simplicité. Il n'est pas si fréquent que celles et ceux qui sont du côté des perdants de nos sociétés capitalistes prennent la parole sur les conditions de travail et de vie en classe ouvrière, et qu'ils s'expriment sur la passion de l'Evangile qui les anime.

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28 mars 2011 1 28 /03 /mars /2011 05:38

Chrétiens et athées : vers un humanisme commun. Ce temps est venu ! par Michel Bloch-Lemoine , aux éditions du Cygne (lien), octobre 2010, 146 pages, 15 € hors frais de port (+ 2,6 €), à commander aux éditions (vente en ligne) ou bien auprès de l’auteur (14, rue d'Armorique, 56190 Muzillac, contact

Michel Bloch-Lemoine est l’un des responsables de Chrétiens En Liberté En Morbihan (CELEM), association membre de la Fédération des réseaux du parvis *, une fédération dont il a été le secrétaire général de 2000 à 2001
* voir la présentation de cette fédération sur le site de l'Assemblée fraternelle des chrétiens unitariens (AFCU), laquelle en est également membre (lien)


michel bloch-lemoine« Sur le thème du Rassemblement de Lyon de novembre 2010 : « Le temps est venu de montrer l'actualité de l'Evangile pour le monde d'aujourd'hui », j'ai voulu, dans cet ouvrage, insister sur quelques points qui, aujourd'hui, me paraissent essentiels :
- il y a urgence que se rejoignent, d'une part ceux qui se reconnaissent dans une foi chrétienne et, d'autre part, ceux qui, hors de toute foi, militent pour une spiritualité laïque basée sur le primat absolu de la dignité de toute personne humaine,
- les humanismes de toutes ces femmes et de tous ces hommes de bonne volonté doivent se rejoindre pour promouvoir, sur la base de nouveaux modes de vie, une plus grande justice économique et sociale à l'intérieur des nations et entre elles, ainsi que la sauvegarde et le respect de la planète.
Cette conjonction des convictions et des actions doit s'opérer dans le cadre d'une mondialisation qui se débarrasse d'un ultra-libéralisme meurtrier, sur la base de profondes réformes des Eglises et des partis politiques, pour que progresse une démocratie fondée sur la laïcité et l'égalité de toutes les personnes. »

L’ouvrage est préfacé par Gabriel Marc. Ancien administrateur de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), il a, à ce titre, travaillé sur les problèmes des pays en voie de développement, et a été conseiller de la délégation française auprès de l'ONU. Il a été aussi très actif au niveau associatif puisqu’il fut un ancien président de l'Action catholique des milieux indépendants (ACI), de 1971 à 1977, des commissions Justice et Paix d'Europe et du Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD), de 1982 à 1988.

Quelques lignes de sa préface : « Le laïcat organisé a perdu la parole publique dans l'Eglise de France. Il l'avait eue après la guerre et plus encore après le concile Vatican II. Les mouvements, d'Action catholique notamment, étaient au centre de la pastorale. Ils s'exprimaient régulièrement vis-à-vis de l'opinion et vis-à-vis des responsables de l'Eglise. Des individualités continuent de s'exprimer qui appartiennent à l'élite intellectuelle, qui écrivent des livres, ou bien sont connues comme personnalités politiques. A part ceux-là il ne reste dans l'Eglise que la parole pontificale, surabondante, et la parole de chaque évêque dans son diocèse.
Aussi faut-il se réjouir que des laïcs ordinaires aient l'audace de se manifester pour dire leur foi et la manière dont ils conçoivent une vie en Eglise qui n'est pas forcément celle qui est offerte. Michel Bloch-Lemoine s'inscrit dans cette lignée, marquée par Paul Abéla et son célèbre Je crois, mais parfois autrement. " (aux éditions L’Harmattan) *

 

* Sur Paul Abela (1921-2010), voir notre hommage paru le 12 avril 2010 dans les Actualités unitariennes, quelques jours après sa mort, lien

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27 décembre 2010 1 27 /12 /décembre /2010 06:01

"Ta religion n'a aucune importance" par le dalaï lama, interrogé par le théologien de la libération brésilien Leonardo Boff


« Sa Sainteté, selon vous, quelle est la meilleure religion ? » (je pensais qu’il dirait : « le bouddhisme tibétain », ou « les religions orientales beaucoup plus vieilles que le christianisme »). Le dalaï lama m’a souri et, en me regardant droit dans les yeux, me répondit : « La meilleure religion, c’est celle qui te rapproche de Dieu. C’est celle qui fait de toi une meilleure personne ».


groupe_coeurs.jpgJ’ai alors demandé : « Qu’est-ce qui nous rend meilleurs ? ». Il a alors répondu :
« Tout ce qui te remplit de compassion,
Te rend plus sensible,
Plus détaché,
Plus aimable,
Plus humain,
Plus responsable,
Plus respectueux de l’éthique.
La religion qui fera tout ça pour toi, c’est la meilleure religion ».

Je suis encore émerveillé aujourd'hui en pensant à sa réponse pleine de sagesse et tellement irréfutable : « Mon ami, je ne suis pas intéressé de savoir quelle est ta religion ou si tu es croyant ou pas… Pour moi, ce qui est important, c’est la façon dont tu agis avec les autres, ta famille, tes collègues de travail, ta communauté, et avec tout le monde…

La loi de l’action et de la réaction n’est pas seulement propre à la physique, il s’agit aussi de nos relations humaines :
Si j’agis avec bonté, je recevrai de la bonté ;
Si j’agis avec méchanceté, je recevrai de la méchanceté.
Tu recevras toujours ce que tu souhaites aux autres.
Être heureux n’est pas une affaire de destin, c’est une affaire de choix ».

Finalement il a dit :

« Prends soin de tes pensées, parce qu’elles deviendront des Paroles,
Prends soin de tes paroles, parce qu’elles deviendront des Actions,
Prends soin de tes actions, parce qu’elles deviendront des Habitudes,
Prends soin de tes habitudes, parce qu’elles deviendront ton Caractère,
Prends soin de ton caractère, parce qu’il deviendra ton Destin,
Et ton destin sera ta vie et …
Il n'y a pas de religion plus grande que la vérité de ta vie ».

Texte reproduit par Philippe de Briey (contact) à partir d’un diaporama

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  • : Le courant unitarien est né au XVI° siècle et a été la "benjamine" des Réformes protestantes. Il se caractérise par une approche libérale, non dogmatique, du christianisme en particulier et des religions en général. Les unitariens sont près d'un million dans le monde entier. En pays francophones (en Europe occidentale : la France et ses oays d'Outre-Mer, la Wallonie, la communauté francophone de Bruxelles, la Suisse romane, Monaco et Andorre ; au Canada : le Québec ; et en Afrique noire), il s'e
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